Côte d’Ivoire: Entretien exclusif de Nouvelles Afrique avec Ayémémé Jean-Blaise Yavo, coordonnateur de la diaspora du Mouvement Citoyen « Trop c’est Trop »
Présidentielle ivoirienne : « La Côte d’Ivoire ne doit plus connaître la guerre », Ayémémé Jean-Blaise Yavo, coordonnateur de la diaspora du Mouvement Citoyen « Trop c’est Trop »
Ayémémé Jean-Blaise Yavo
Entretien exclusif de Nouvelles Afrique avec Ayémémé Jean-Blaise Yavo, coordonnateur de la diaspora du Mouvement Citoyen « Trop c’est Trop »
En soutien à la marche de l’opposition organisée par le Front Commun le 11 octobre 2025 en Côte d’Ivoire, le mouvement citoyen Trop c’est Trop a mobilisé la diaspora ivoirienne sur trois continents. À quelques jours d’une grande manifestation prévue à Paris le 18 octobre, Ayémémé Jean-Blaise Yavo s’exprime sur les enjeux de cette mobilisation, la dérive du pouvoir d’Abidjan et la nécessité d’un dialogue politique inclusif pour préserver la paix.
Nouvelles Afrique (N.A.) : Que symbolise pour vous le fait que la mobilisation du 11 octobre ne se limite plus au territoire ivoirien, mais s’étende désormais à la diaspora sur trois continents ?
Ayémémé Jean-Blaise Yavo (A.J.-B. Yavo) :
Cette mobilisation internationale traduit l’universalité de notre combat. Il ne s’agit pas seulement d’un enjeu national pour la Côte d’Ivoire, mais d’une cause qui concerne tous les Africains attachés à la justice, à la liberté et à la démocratie. La diaspora ivoirienne, consciente de ses responsabilités historiques, s’est organisée spontanément pour soutenir nos frères et sœurs restés sur le territoire. Nous savons que l’avenir démocratique de notre pays est intimement lié à la stabilité de l’Afrique de l’Ouest. En montrant que notre lutte transcende les frontières, nous envoyons un signal fort, nous sommes unis et déterminés à empêcher que notre nation ne replonge dans les crises qui l’ont déchirée par le passé. Cette solidarité internationale est aussi un moyen de rappeler que la démocratie en Côte d’Ivoire a des répercussions sur toute la région, et que chacun a un rôle à jouer pour éviter un chaos similaire à celui observé ailleurs.
N.A. : Vous annoncez une grande marche européenne le 18 octobre à Paris. Quel message souhaitez-vous adresser à la communauté internationale à travers cette démonstration de force ?
A.J.-B. Yavo :
Le message que nous portons est clair et urgent : la Côte d’Ivoire est à un tournant critique. L’absence de démocratie réelle, les persécutions politiques et le verrouillage du jeu politique ne sont pas de simples problèmes internes ; ce sont des menaces directes pour la paix et la stabilité régionale. Nous avons tous en mémoire les crises qui ont frappé le Mali, le Burkina Faso ou le Niger, où des tensions non résolues ont conduit à des situations dramatiques. Une nouvelle crise ivoirienne, si elle n’est pas maîtrisée, pourrait avoir des conséquences catastrophiques pour toute la sous-région. Nous voulons interpeller les autorités ivoiriennes mais aussi alerter la communauté internationale : il est impératif de privilégier le dialogue, de respecter les institutions et d’éviter l’affrontement. Cette marche à Paris sera l’occasion de montrer que nous sommes déterminés à agir pacifiquement, mais avec fermeté, pour la défense des principes démocratiques et la sauvegarde de la paix.
N.A. : Le mouvement Trop c’est Trop affirme soutenir la marche du Front Commun contre un éventuel quatrième mandat du président Alassane Ouattara. Quelle est votre position vis-à-vis du pouvoir actuel ?
A.J.-B. Yavo :
Le pouvoir en place a clairement tourné le dos aux principes démocratiques. Nous observons une concentration excessive du pouvoir et l’élimination systématique de figures de l’opposition légitimes. Prenons l’exemple de l’ancien président Laurent Gbagbo, malgré sa réhabilitation et la reconnaissance de sa nationalité, il se voit refuser son droit fondamental à l’inscription sur la liste électorale. Parallèlement, après avoir déjà imposé un troisième mandat contesté, le président Ouattara se prépare à un quatrième, en violation flagrante de la Constitution et des règles démocratiques. Cette dérive autocratique est dangereuse, elle fragilise les institutions, divise la société et peut provoquer des tensions incontrôlables. Notre position est donc très claire, nous ne nous opposons pas à une personne, mais à un système qui confisque la démocratie et marginalise le peuple. Nous appelons à la vigilance, à la mobilisation pacifique et à l’exigence du respect des lois et de la Constitution.
N.A. : Des actions diplomatiques sont annoncées dans plusieurs capitales. Peut-on s’attendre à la remise de pétitions ou à d’autres formes de pression pacifique ?
A.J.-B. Yavo :
Oui, la stratégie de notre mouvement est résolument pacifique et diplomatique. Des motions ont déjà été déposées auprès de plusieurs ambassades et nous poursuivrons ces démarches dans les prochains jours. Au Sénégal, nos équipes mèneront des actions de sensibilisation auprès des autorités locales et de l’ambassade de Côte d’Ivoire pour informer sur la situation réelle dans notre pays. La marche du 18 octobre à Paris, quant à elle, rassemblera différentes délégations européennes pour rencontrer des représentants de l’ONU, de l’Union européenne et d’autres institutions internationales. Notre objectif est d'alerter, informer et mobiliser sans recourir à la violence. La démocratie véritable, selon nous, s’exprime par des actions déterminées mais pacifiques, par le dialogue et par la pression morale sur les décideurs.
N.A. : Certains estiment que la diaspora n’a pas toujours une lecture exacte de la réalité politique sur le terrain. Que leur répondez-vous ?
A.J.-B. Yavo :
Cette critique ne reflète pas la réalité de notre organisation. Le mouvement Trop c’est Trop dispose d’une structure rigoureusement organisée. À sa tête se trouve le Comité de Pilotage, conduit par le Ministre Sébastien Danon Djedje, président exécutif du PPA-CI, accompagné du Professeur Coulibaly Jérôme Climalo, porte-parole du mouvement. Ce comité assure la vision politique et la coordination stratégique de l’ensemble des actions.
Nous dépendons directement du Comité Opérationnel, dirigé par le Camarade Damana Adia Pickass, qui supervise la mise en œuvre concrète des activités sur le terrain et le lien permanent avec la diaspora.
Grâce à cette organisation claire et dynamique, nous sommes en contact constant avec les réalités locales. La diaspora ne travaille pas en vase clos : nous échangeons quotidiennement avec nos équipes en Côte d’Ivoire et avec les responsables du Front Commun. Ainsi, nos actions internationales ne sont pas déconnectées du terrain ; elles prolongent et amplifient la mobilisation nationale avec la même vigilance et le même engagement.
N.A. : Quel message final souhaitez-vous adresser au peuple ivoirien et à la communauté internationale ?
A.J.-B. Yavo :
Notre combat n’est pas une opposition à la légalité, il est au contraire en faveur de la légalité et de l’État de droit. Nous demandons simplement que la Constitution et les lois soient respectées. Aujourd’hui, plus de 130 prisonniers politiques croupissent en prison, ce qui est inadmissible dans une République qui se veut démocratique. Nous appelons à un dialogue politique véritablement inclusif, à la libération de ces détenus et au respect des libertés fondamentales. La Côte d’Ivoire ne doit plus connaître la guerre. Nos actions sont pacifiques, démocratiques et orientées vers un seul objectif, garantir la paix, la justice et la stabilité pour tous les Ivoiriens.