Édito : Côte d'Ivoire - Quand la rue se lève, l’État réprime
Ce samedi 11 octobre, Abidjan a connu un épisode douloureux pour la démocratie ivoirienne, la manifestation de l’opposition organisée malgré son interdiction a été dispersée par la police avec force usage de gaz lacrymogène, plusieurs interpellations officiellement 237 selon les autorités et un message brutal, même dans la rue on n’entend plus le peuple.
Cette manifestation n’est pas un simple fait divers de la campagne présidentielle. Il s’inscrit dans une trajectoire de restrictions croissantes sur l’expression politique, déjà illustrée par l’arrestation récente de 13 militants du PDCI, inculpés pour « complot contre l’autorité de l’État » et « troubles à l’ordre public ».
Le contexte électoral de la Côte d’Ivoire a atteint un point de tension extrême, la contestation des candidatures de figures clés de l’opposition, l’interdiction des manifestations, et maintenant la dispersion violente d’une marche autant d’éléments convergents vers un verrouillage politique.
L’enjeu démocratique est ici fondamental. Faire taire la rue, c’est exposer la fragilité d’un régime qui ne tolère plus la pression citoyenne. Pour les Ivoiriens, manifester est devenu acte d’audace, pour l’État, c’est le signe d’une insoumission à neutraliser à tout prix. En réaction, la population subit trois fractures, celle du dialogue politique, celle de la confiance envers les institutions et celle de la légitimité des élections à venir.
Sur le plan social, ce climat de répression produit des effets corrosifs. Il érode la cohésion citoyenne, des familles hésitent à se mêler du débat public, des jeunes sont découragés, militants ou simples spectateurs et l’espace de participation se referme. La contestation pacifique dérangerait-elle?
Dans une société déjà marquée par les défis de l’inclusion, de l’accès aux services, de la jeunesse sans emploi, fermer les voies de la protestation, c’est aggraver la fracture entre gouvernants et gouvernés.
Politiquement, l’arrestation massive et la dispersion en pleine campagne donnent l’impression d’une stratégie de « neutralisation préventive » de l’opposition. Le pouvoir par le biais du préfet d’Abidjan avait interdit la marche, invoquant la préservation de l’ordre public, bien qu’elle ait été annoncée et réorganisée dans les formes.
L’opposition, pour sa part, avait maintenu son intention de descendre dans la rue, dénonçant l’illégalité et l’arbitraire de l’interdiction. Le contraste est violent, légalité vs autoritarisme, légitime contestation vs ordre imposé.
Mais ce n’est pas encore l’ombre d’un régime irrémédiablement verrouillé c’est un point de bascule. La campagne est lancée, les dés sont jetés, la parole publique s’use dans l’affrontement entre un pouvoir qui craint d’être jugé dans les urne et une opposition qui cherche à faire entendre la voix du peuple malgré la contrainte.
À tous ceux qui observent la Côte d’Ivoire citoyens, médias, organisations de défense des droits le moment est venu de se mobiliser. Que chacun surveille la tenue du scrutin, note les irrégularités, exige que les arrestations soient justifiées dans le respect des droits et que les personnes interpellées soient traitées selon la loi, pas l’ordre politique.
Le 25 octobre, ce ne sera pas simplement un vote, ce sera un verdict. Et si déjà les rues sont muselées, le pouvoir devra rendre des comptes à l’histoire et à la conscience collective.